Date
- mercredi 7 juin 2023
- Expired!
Heure
- 10h30
SORTIE A DAMPIERRE SUR BOUTONNE.
Au programme de la journée :
10h 30 : visite de l’Asinerie des baudets du Poitou, lieu-dit La Tillauderie à 4 km de Dampierre
Pique-nique dans les jardins du Château de Dampierre
Visite guidée du château
Entrons tout de suite dans le domaine des ânes, laissons nous guider par l’ami qui nous accueille.
« Bonjour, je m’appelle Hodor,
« Je suis, comme vous le constatez sur mon portrait, un baudet du Poitou qui est ravi de vous recevoir le jeune humain qui vous guide pour la visite de notre domaine est également notre interprète. En effet, et je le déplore, vous n’avez a priori, jamais appris notre langue alors que moi, au fil du temps, je comprends quelques-uns de vos mots. Vous vous êtes contentés de quelques « hi- han », « hue », » ho » qui nous amusent beaucoup ».
« Vous êtes très différents de nous et certains aspects de votre anatomie nous laissent dubitatifs.
« Comme nous vous avez une tête, bien plus petite que la nôtre, des yeux sur le devant alors que les nôtres sont sur les côtés, de toutes petites dents, quatre membres mais deux qui ne vous servent pas à marcher puisque vous êtes constamment dressés sur vos pattes arrière, et pas de crinière bien que certaines de vos femelles et certains de vos mâles semblent vouloir nous imiter !.
« Vos petits sont minuscules comparés aux nôtres et prennent beaucoup de temps à grandir !. On m’a rapporté que vos bébés étaient incapables de marcher après leur naissance alors que les nôtres peuvent le faire aussitôt nés.
« Regardez notre plus jeune, né le 1er juin dernier, se tenir sur ses pattes près de sa maman. Nos enfants, comme les vôtres, sont très joueurs et très curieux.
« Leur jeu favori, quand ils sont en contact avec un troupeau d’humains, est de les prendre pour des quilles en essayant de les bousculer.
« Ils sont également très câlins et adorent qu’on les caresse derrière leurs oreilles ou sous leur museau.
« Mais, n’allez pas plus loin dans vos marques d’affection, leurs mères veillent à la bonne tenue de leurs rejetons et il pourrait vous en coûter quelques coups de sabot ! J’ai constaté que vous étiez très souvent surpris par nos très longs poils ! Non, ce ne sont pas des serpillères mais le « guenillou » qui protège notre peau.
« On dit souvent de nous que nous sommes têtus, voire caractériels, mais pas du tout, nous sommes simplement prudents ! Pas question de nous faire traverser une flaque d’eau si nous n’en voyons pas le fond, idem pour une ornière si nous estimons que nous pourrions nous casser une jambe et ce ne sont ni vos cris, ni vos coups de bâton qui nous feront changer d’avis.
« J’ai remarqué que des membres de votre groupe s’interrogeaient sur mon oreille gauche pendante : oui, j’ai eu avant votre arrivée, une activité, un peu mouvementée avec une jument mulassière poitevine ! Il nous reste maintenant 1 an et 2 semaines avant d’accueillir un joli nouveau fenon (bébé baudet du Poitou) dans notre famille.
« J’ai compris, en écoutant vos questions, que notre histoire vous intéressait. Alors sachez que les premières mules seraient apparues en Ethiopie avant de remonter via l’Egypte vers la Grèce du temps d’Homère, l’Italie à l’âge du fer et la Gaule au début de l’ère chrétienne.
« En revanche notre origine, celle du baudet du Poitou est un mystère ! La suite de notre histoire est longue et comme je ne veux pas me faire gronder par mon ami, votre guide, je vous invite à revenir quand vous le voudrez pour que nous poursuivions notre discussion.
« Encore quelques mots concernant les ânes culottés, nos cousins de St-Martin en Ré : ne leur donnez jamais de pain à manger ! Ils adorent ça mais ne peuvent le digérer, vous les feriez mourir d’occlusion intestinale. C’est la même chose pour nous mais notre famille d’accueil veille, et nous ne mangeons que de bonnes choses.
« Merci pour votre visite car j’ai appris beaucoup sur vous, notamment que vous mettez votre museau sur les joues de vos congénères pour vous dire au revoir ! C’est une curieuse habitude ! Revenez vite… »
Daniel Piffard
Quittons Hodor et notre guide érudit qui a su capter notre attention pour rejoindre le château de Dampierre sur Boutonne.
Le châtelain informé de notre arrivée par le son de la cloche agitée joyeusement, nous ouvre la grille de son domaine.
Il nous conduit sous l’ombrage d’arbres séculaires où tables et chaises ont été installées pour nous accueillir.
En un clin d’œil les glacières sont ouvertes, leur contenu voit le jour. A table ! suivi d’une petite partie digestive !
Après les nourritures terrestres, les nourritures de l’esprit. Embarquons dans la machine à remonter le temps ! Stop ! Dampierre !
*995 : existence d’un château féodal
*Milieu XIIème : Aliénor, quelle idée d’avoir quitté notre roi Louis VII pour tomber dans les bras d’un Plantagenêt ! Vous lui avez apporté l’Aquitaine et voilà Dampierre sous domination anglaise !
*1373 : Vive Du Guesclin ! Dampierre revient dans le giron du Royaume de France.
*XVIème : Merci François de Clermont ! Votre admiration pour la Renaissance italienne vous pousse à abandonner votre forteresse pour édifier une demeure de plaisance sur le site d’un ancien prieuré des Templiers, résidence entourée par la rivière Boutonne baignant un chapelet d’îles-jardins.
Votre fils Jacques sera honoré d’y recevoir le roi François 1er. La bru de Jacques, Jeanne de Vivonne, dite « la Dame de Dampierre », fait ajouter une double galerie superposée avec ses caissons aux décors allégoriques voire alchimiques, rendant la circulation extérieure plus aisée et faisant la fierté et la célébrité du château.
Seigneurs et invités admiraient du haut de la galerie les spectacles donnés dans la cour, d’où l’expression « amuser la galerie ». Merveilleux « caprice » qui offrit deux faces à la demeure : féodale côté Boutonne, Renaissance, côté cour.
Et voilà qu’arrive la personne emblématique du lieu, Claude-Catherine de Clermont, intellectuelle majeure de son temps. « Oui, c’est moi, la duchesse de Retz, que vous avez croisée dans l’escalier ».
« Elevée au Louvre dans l’intimité de la famille royale avec la reine Margot, mon amie, j’ai été imprégnée du parfum de l’érudition, distinguée par la reine Catherine de Médicis qui me maria au baron de Retz. Un époux de quarante-neuf ans mon aîné, je fus veuve sous peu ! Je fus la tête et le sourire de « l’Escadron Volant » de la reine, étant ses yeux et ses oreilles ».
« Quel pouvoir nous avions, nous « les filles de la reine », séduisantes, érudites, courtisées ». Las, les guerres de religion dévastèrent le pays. Le château fut pillé, saccagé.
*XVIIème : Le château voit le passage de Louis XIII et plus romanesque, l’enlèvement de Marie Fourré par un jeune page de Richelieu !
*1752 : C’est la famille Galliffet qui donne vie au domaine.
*1789 : La Révolution ! C’est la fuite éperdue ! Le château est pillé, les archives brûlées et il est vendu comme bien national en 1795 pour deux barriques d’eau-de-vie, quelques assignats et les plombs du toit !
*XVIII et XIX èmes : Dampierre appartient aux familles locales.
*1926 : Il est classé aux Monuments Historiques et rendu à sa « pureté historique » avec fenêtres à meneaux, boiseries, cheminées…
*Nous voici revenus à notre époque. Un violent incendie en 2002 endommage toitures et plafonds. Les châtelains, Mr et Mme Hédelin entreprennent une vaste campagne de restauration récompensée par le Grand Trophée du Figaro.
*2017 : la famille Grunhertz-Pfister reprend le flambeau pour nous faire apprécier la magie du lieu, union de la culture et de la nature où humanisme et humilité s’entremêlent. Ces jardins dessinés ou sauvages sont un écrin de déambulation entretenus par un seul jardinier, de son propre vouloir.
Non, vous n’êtes pas obligés de cheminer dans le labyrinthe sur les genoux comme le veut la tradition !Ph9
Laissez-vous porter par les références littéraires et mythologiques évoquées par les statues disséminées dans les jardins et tendez l’oreille aux chants des oiseaux.
Avant d’entrer dans le château, arrêtez-vous à « la ponne », laverie à la cendre au bord de la Boutonne.
Entrons dans la « Salle à manger », terme moderne ; avant le XVIIIème « on dressait la table » dans n’importe quelle pièce.
Henri II, Catherine de Médicis et Diane de Poitiers nous saluent, immortalisés dans le monogramme entrelaçant le H et le C formant un D au dessus de la monumentale cheminée. Catherine apprécie-t-elle cet étrange entrelacs avec la favorite de son royal époux ?
Dans le Salon Bleu,
admirez l’exceptionnel grand cabinet d’ébène du siècle de Louis XIII avec son théâtre intérieur en marqueterie, l’extérieur symbolisant l’homme, l’intérieur la femme.
Seuls une dizaine de cabinets de cette qualité sont répertoriés au monde.
Plus loin s’ouvre la Chambre Rouge dite des Templiers, autrefois chambre à coucher du seigneur toujours au rez-de-chaussée, sa femme étant à l’étage.
Gravissons l’escalier pour arriver dans la Chambre d’Apparat de la duchesse de Retz.
Ce n’était pas véritablement une chambre, trop difficile à chauffer, mais le lieu de réception des visiteurs et artistes soutenus par la duchesse. Quel superbe cabinet espagnol du XVIème, un bargueño, mi- secrétaire, mi- meuble !
Il rappelle l’époque où l’on voyageait avec ses « meubles » du latin movilis : qui peut être déplacé.
Remarquez dans la Chambre de la Marquise de Galliffet les costumes d’époque et le coffre au pied du lit contenant le linceul.
Un peu de sport pour atteindre le cabinet de curiosités, pièce de prédilection des alchimistes et, ancêtre des musées d’Histoire Naturelle.
Le joyau de ce château qui fait sa renommée est la galerie Renaissance dite alchimique, unique en son genre.
Serait-ce l’œuvre d’un alchimiste dont le décryptage mènerait à la pierre philosophale garantissant sagesse, jeunesse et richesse infinie ? 96 caissons sont organisés en rangées de trois. Reviennent en alternance le chiffre et l’emblème d’ Henri II, protecteur de Dampierre. 8 caissons vides, tous les autres sont différents, combinant image sculptée et devise en latin, espagnol et ancien français ; un vrai livre de pierre.
détails des caissons
Méduse, la prudence est gardienne de toute chose
La question du sens et du discours demeure difficile à établir et prête le flanc à bien des théories, de l’occultisme au fantaisisme.
Le mystérieux Fulcanelli proposa une interprétation en 1930 qui attisa la curiosité de Dali venu séjourner au château dans les années 1970.
Si un certain nombre de symboles se retrouve dans les traités d’alchimie, mieux vaut considérer cet ensemble comme un décor dans la tradition humaniste composé d’images-rébus et de citations. Cependant il semble évident que la galerie décrit un parcours traitant des thèmes du doute, du hasard, de la liberté, des obstacles, du risque, de l’inégalité, de la connaissance de soi et de la récompense promise par l’effort.
C’est le début d’une quête. Prudence, courage, sagesse acquise, vertu de l’amitié, on est en chemin.
Puis les épreuves et le combat montrent le chemin de la gloire et mettent en garde contre la duplicité des apparences et les fausses amitiés. Ce sont les péripéties du voyage. La dernière partie célèbre les vertus, condamne les défauts, conclut sur l’Amour, maître de tout et but de la quête.
Ce parcours terrestre fait écho à l’alchimie, chemin initiatique jalonné d’épreuves menant à l’or philosophal, à la connaissance suprême.
Comment « fonctionnait » cette galerie ? Un chemin de méditation ? Un jeu en lançant un dé pour avancer de caisson en caisson ? A chacun d’y découvrir ce qu’il cherche, de se laisser surprendre.
Trouverez-vous la formule de la pierre philosophale ?
Béatrice Babin
Fin de la visite, on peut s’asseoir !
Après cette belle journée, menée par Béatrice qui plus est, nous a offert un reportage très étayé sur le château de Dampierre et en prime, des conseils en alchimie (à mettre ou pas en pratique) ; s’est dégagé également un don particulier chez Daniel pour faire parler les ânes du Poitou, c’était son secret jusqu’à présent bien préservé. Grand merci à eux, les participants ont apprécié cette sortie originale. Annie R.
Photos de Béatrice B.