Date

lundi 9 octobre 2023
Expired!

Heure

14h00

Echillais

Visites guidées de l’église et du pigeonnier de Montierneuf
Arrêt à la Limoise (propriété privée fréquentée par la famille Loti).
 
            Ce jour, nous nous retrouvons avec une vingtaine de personnes, par un beau soleil,  devant l’église d’Echillais où notre guide Christophe nous accueille.
« On franchissait le village en longeant l’église, une antique petite merveille du XIIème du style roman le plus reculé et le plus rare. » Pierre Loti. 
Eglise Notre-Dame
 
                Cette église classée Monument Historique dès 1840,  construite à l’apogée de l’art roman saintongeais fut la chapelle seigneuriale de la famille Goumard. Quelques découvertes permettraient de supposer qu’elle a remplacé un édifice du IXème détruit par les vikings remontant la Charente.
Admirons la façade-écran, véritable plaque sculptée richement ornementée et présentant une organisation tripartite typiquement époque romane. Elle se développe sur 2 registres. 
Façade de l'Eglise

 

                     Les différences de pierres entre ces niveaux font penser à 2 périodes de construction. Au rez-de-chaussée, 4 gros piliers rythmant 2 arcatures aveugles appareillées de pierres en zigzag, encadrant le portail aux voussures historiées très érodées. La supérieure plus lisible présente le Christ bénissant entouré de personnages, d’un joueur de viole et  à gauche des anges adorateurs tête en bas. 
                 
                  Les colonnettes ont été refaites. Les chapiteaux corinthiens sont inspirés de l’art grec soutenant de belles sculptures. 

 

Portail aux voussures très érodées ; colonnettes ; chapiteaux corinthiens
Chapiteau sculpté détails
Chapiteau, la Grand' Goule
         
           Celui de la Grand’Goule ou Engouleur est le plus emblématique et l’un des plus beaux de la région. Le tailloir avec des XXX au-dessus avertit que ce n’est pas la bonne voie à suivre. 
                    Le bandeau coupant la façade est agrémenté de différents  modillons sculptés, masques, animaux fantastiques, traditionnel bestiaire roman évoquant le diable.
                   A l’étage, une baie centrale entourée de 4 arcatures aveugles ornée de fleurs, feuillages… Cette page d’architecture se termine par la corniche supérieure, guirlande végétalisée,
Corniche ornementée
soutenue par des modillons, musiciens, tireur à l’arc, prêtre, jongleurs, masques, animaux fabuleux.. modillons  séparés par des métopes très décorés de roues, damiers, marguerites stylisées…
Modillons, métopes
                 A vous de les retrouver avec un œil d’aigle ou une paire de jumelles ! Tout ce qui pouvait être sculpté l’a été avec abondance et d’une main de maître ! 

 

                       Entrons dans la nef voûtée en plein cintre qui à l’origine était unique, puis a vu l’adjonction au XIIIème d’une chapelle gothique au sud et au XVème une autre chapelle abritant sous son sol les sarcophages de seigneurs. 
Schéma des chapelles
 
                         La nef fut détruite au XVIIème puis reconstruite et enfin restaurée en 1970-71. A noter la litre funéraire du XVIIIème figurant les armoiries des Beaumont amis des Goumard. 
Armoiries des Beaumont
                  Une bande noire était peinte en hauteur sur le pourtour des murs pour honorer un défunt pendant un an et un jour.  Ce rite fut aboli à la Révolution mais la coutume se retrouverait dans le brassard noir arboré en signe de deuil, deuil qui n’a pas toujours été noir.
                C’est la reine Anne de Bretagne, en deuil de sa fille, qui fin XVème l’a imposé suivie par Catherine de Médicis qui est souvent représentée en noir.
Les chapiteaux sont remarquables ; personnage avec une crosse dans la main droite et un livre dans l’autre, 2 veaux avec un personnage allongé sur leur dos.
Un bandeau court à hauteur des chapiteaux entre les colonnes avec des demi- besants sous forme de sabliers symbolisant le temps qui passe.

                         

                  En allant observer le chevet à l’extérieur, nous passons devant un enfeu, une niche funéraire abritant un tombeau de dignitaire avec un gisant, une pierre tombale ou un sarcophage. On le trouvait à l’intérieur de l’église, à l’extérieur, dans le cimetière ou dans une galerie de cloître. 
Chevet à l'extérieur et enfeu
4 colonnes contrefort ceinturent l’abside
                 
                  Les voussures sont décorées de pointes de diamant, de chapiteaux ouvragés et d’une corniche soutenue par des modillons ornés de roues, de visages, d’un bestiaire fantastique…
                Le chapiteau de la fenêtre axiale montre une femme et un homme en costumes d’époque, les seigneurs ayant pour habitude de se faire représenter ainsi.  
                  
                Un autre représente un bouc à l’écoute de la bonne parole venue du ciel. Sa queue démesurément longue, passant derrière le volatile pour arriver sur sa tête en une boucle fermée, indique une dépendance, un cercle vicieux.
                De vrais livres d’histoires défilent sous nos yeux !
   
Reprenons les voitures pour nous rendre à La Limoise
 
                    « Je n’ai pas assez parlé de cette Limoise, qui fut le lieu de ma première initiation aux choses de la nature. Toute mon enfance est intimement liée à ce petit coin du monde… » ainsi écrivait Loti dans Le roman d’un enfant.  
                                            
                 Cette ferme du XVIIIème et réserve pour militaires et chevaux sous Napoléon 1er, puis maison de campagne des amis de la mère de Julien Viaud, les Duplais, accueille le futur Pierre loti.

                Tous les mercredis soirs , il chemine 5 à 6 km, sortant de Rochefort par la Porte Martrou, empruntant la longue route droite  « celle que j’aime le plus, probablement parce que beaucoup de mes petits rêves d’écolier sont restés posés sur ces lointains plats » Il franchit la Charente au soleil couchant sur un bac ou une yole. Il y passe son jeudi, jour sans école jusqu’à 1972.
La Charente avant le Transbordeur
                   Dans Le roman d’un enfant il évoque ces moments du « Paradis sur terre », lieu de ses premières sensations « de pays exotiques et sauvages. Des impressions de Brésil surtout », ses parties de cache-cache avec son amie Lucette D, sa  » grande sœur complice » dans ce jardin « qui enfermait des surprises et des mystères de forêt vierge ».
                 Il découvre dans une bibliothèque de La Limoise, le journal de bord tenu par un capitaine qui instilla en lui l’appel du large.

 

               
                  Madame Moriani, petite-fille de Cécile Duplais, ayant vu notre groupe s’arrêter nous rejoint.  Pour la joie de tous, elle nous propose d’entrer dans le beau jardin et évoque l’histoire de cette belle propriété ayant vu dernièrement en mai, baptiser la rose Pierre Loti.
Limoise, coté jardin
 
                  Nous repartons pour notre dernière escale de l’après-midi, le pigeonnier de Montierneuf édifié en 1513 et classé aux Monuments Historiques en 1951.
                 Se dressant, imposant et élégant dans ce qui fut naguère le prieuré de Montierneuf, il est ainsi que l’ancienne porte fortifiée, le rescapé d’une époque révolue. 
                 Il est considéré comme le plus beau de France, de vastes dimensions, avec ses 3 fenêtres renaissance d’origine, richement sculptées d’angelots, de pinacles et d’une coquille de Vénus. 
                Le lanternon qui domine l’édifice s’écroula en 1965, fut restauré et replacé environ 25 ans plus tard. 
Ancienne porte fortifiée
                
Porte du pigeonnier
                    Entrons. Attention à vos têtes ! La hauteur est celle d’un homme de l’époque. L’intérieur très lumineux avec ses 6 ouvertures est saisissant : 2959 boulins travaillés en pierre de taille calcaire prévus pour accueillir chacun un couple de pigeons.
 
             
                 Superbe hôtel ! Imaginez ces nuées d’oiseaux s’abattant sur les terres voisines !
                C’était un droit seigneurial de posséder un pigeonnier de dimensions reflétant la grandeur des terres cultivées et la richesse du propriétaire. Mais celui-ci ne respectait pas les normes établies et la base fut donc remblayée pour réduire le nombre de ses boulins.  
               Passez votre main dans l’un des boulins pour sentir ces cavités construites alternativement à l’intérieur ; astucieux ! Ces pigeons étaient une manne. Leurs fientes (colombines) étaient récupérées comme engrais phosphaté, leurs œufs recueillis dans les boulins grâce à un système mobile ingénieux de 2 échelles verticales en bois sur les côtés, l’ensemble  relié à un mât central tournant sur lui-même, ce qui permettait aussi le nettoyage des boulins. 
                Il est l’heure de rejoindre les voitures et d’échapper aux moustiques affamés qui se sont bien régalés à nos dépens.  Béatrice B.
 
Photos : R. Domange ; D. Piffard ; B. Babin et divers documents