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jeudi 13 janvier 2022
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14h30

🖝 France Bloch-Sérazin (1913-1943) : du Poitou à Paris, la résistance au féminin »

Alain Quella-Villéger

Née à Paris le 21 février 1913, Françoise dite France Bloch est la  fille de l’écrivain Jean-Richard Bloch et de son épouse Marguerite née Herzog (1886-1975, sœur d’André Maurois). Ils se sont fixés définitivement à Poitiers en 1908 où elle passe les baccalauréats de Philosophie (1930) et de Mathématiques (1931). Tout indique une jeunesse épanouie, nourrie par la curiosité intellectuelle, l’activité sportive, la passion des livres et de la nature dans une famille à la fois atypique et emblématique par sa culture bourgeoise et juive, ses valeurs républicaines profondément enracinées, ses engagements politiques et intellectuels marqués très à gauche.

À l’issue d’études scientifiques à l’Université de Poitiers (licence de Chimie), France devient assistante au Service central de la Recherche scientifique de l’Institut de Chimie à Paris, en 1934. À l’époque du Front populaire, elle se convainc de la nécessité d’entrer « dans une action réelle « , milite contre la montée des fascismes, notamment contre la non-intervention française dans la Guerre civile espagnole. Le 13 mai 1939, elle épouse Frédéric (dit Frédo) Sérazin, ouvrier-tourneur à l’usine automobile Hispano-Suiza à Paris, syndicaliste CGT et, comme elle, militant communiste.

Dès la déclaration de guerre, France se lance dans la résistance. En novembre, elle fait partie des premières femmes membres des « Organisations spéciales » créées par le PCF clandestin pour assurer la défense des militants et effectuer les premiers sabotages. Pour le groupe parisien commandé par Raymond Losserand, France utilise la cave de son appartement afin de fabriquer des tracts qu’elle distribue la nuit. De janvier 1941 à mars 1942, elle exerce au Laboratoire de l’Identité judiciaire de la Préfecture de Paris, quai des Orfèvres, lieu idéal pour détourner des produits chimiques nécessaires au laboratoire clandestin qu’elle anime bientôt, avenue Debidour (XIXe arr.).

Recherchée par les services de la Brigade spéciale de Police, arrêtée le 16 mai 1942, France Bloch-Sérazin est emprisonnée à la prison de la Santé, interrogée, torturée. Lors du procès du groupe Losserand par un tribunal militaire allemand (16-30 septembre 1942), dix-huit membres sur vingt-trois sont condamnés à mort, dont France, seule femme mais qui bénéficie d’un sursis du fait de sa demande en grâce (qui sera refusée). Transférée à la prison de Fresnes, elle est déportée en Allemagne. Transférée à la maison d’arrêt de Hambourg, elle y est guillotinée, le 12 février 1943. Reconnue « Mort [sic] pour la France » en 1946, puis  » Déporté Résistant » en 1956, ses cendres sont rapatriées d’Allemagne en janvier 1958, inhumées aux côtés de celles d’autres victimes du nazisme et de la déportation au Cimetière National du Struthof (Alsace).

CrĂ©atrice de chemins de libertĂ©, remarquable figure militante, France Bloch-SĂ©razin Ă©tait convaincue qu’être femme signifie s’engager pour les autres. Ă€ son mari, avant d’être exĂ©cutĂ©e, elle Ă©crit : « Je meurs pour ce pourquoi nous avons luttĂ©, j’ai luttĂ© ; tu sais comme moi que je n’aurais pas pu agir autrement que je n’ai agi : on ne se change pas. »

                                                      Alain Quella-Villéger