Date

jeudi 25 mai 2023
Expired!

Voyage dans le Bordelais, Malromé et Malagar

Label Maison des illustres - Malromé Henri de Toulouse- Lautrec
Label Maisons des illustres - Malagar, François Mauriac
     
                     Martine, une fidèle adhérente, a bien voulu nous relater sa journée passée dans ce pays d’entre deux-mers dont les deux sites ont été labellisés.
                 Accueillis par Betty et Luc, les organisateurs de la sortie, les 44 adhérents, participants ont embarqués et partis à heure exacte.
                  Après l’habituel embouteillage matinal à l’approche de la capitale girondine, à 9h 50, nous déposions la moitié du groupe devant le Domaine de Malagar, l’autre groupe dont je faisais partie fut conduit au Château de Malromé, à quelques kilomètres.
Château de Malromé
Château, côté cour, Henri y vivra à partir de ses 9 ans.
                    Malromé, ce nom signifie : Mal Renommée, le château viticole est situé sur la commune de Saint André-du-Bois en Gironde.
                  Il est aujourd’hui la propriété de Kim HUYNH entrepreneur français d’origine cambodgienne, exportateur du savoir-faire français en Asie. Il confie à sa fille la restauration du Château de 2014 à 2018. Depuis il est ouvert au public.

 

               Son histoire : Premières mentions du Château et de son vignoble dès le XVIe siècle – Construction de la  « Maison Noble de Taste  par Etienne de Rosteguy de Lancre »  Membre du Parlement de Bordeaux Seigneur de Saint Macaire et de Rauzan.
               Vers 1780, le Château de Taste est acquis par Catherine Forcade, veuve de Jean-Baptiste Geneste Baron de Malromé qui lui laissa son nom. Ils n’eurent pas de descendance. En 1847 le Château est transmis à ses petits-neveux.

 

              Le Château sera ensuite restauré d’après Violet-Leduc, des cheminées sont ajoutées.
              En 1883, le domaine viticole est vendu. La famille est ruinée par la chute du Second Empire et la crise du phylloxéra.

 

              C’est Adèle Tapié de Céleyran,  Comtesse de Toulouse-Lautrec qui rachète le Domaine, elle avait épousé en 1863 son  cousin germain Alphonse de Toulouse-Lautrec Monfa. Après une vie « ballotée » d’un lieu à l’autre, elle voulait son « chez elle », très pieuse, elle souhaitait vivre près de la Basilique Notre-Dame de Verdelais dont on voyait le clocher depuis le Château.
                 
 
                    En 1864,  le 24 novembre naît Henri de Toulouse-Lautrec. Quand il atteint sa 8e année un retard de croissance est constaté, à 14 ans il se casse le fémur, il est atteint de fragilité osseuse due à la consanguinité de ses parents. Adulte il mesurait 1,52m et zézayait.
                  Il commence à dessiner dès l’âge de 8 ans.
                 Dans la première Salle Bibliothèque où nous entrons sont présentées des copies d’œuvres exposées au musée Berbie d’Albi où est né Henri.
             A 16 ans il peint des chevaux dont on peut voir de belles reproductions.
             Le peintre René Princeteau (1843-1914) est considéré comme le premier maître d’Henri. Il est connu pour ses tableaux équestres, H de TL a peint le tableau  » Cheval Blanc » une tête de cheval, de profil, plus bleue que blanche.
Cheval gazelle peint en 1881
Les chevaux, passion du jeune Henri, ici une mail-coach aux environs de 1880
                Ce tableau figurant  dans la bibliothèque représente un attelage de quatre chevaux bruns, mené par un homme en pleine action, fouet en main (surement son père,  Alphonse) et un autre homme près de lui, les bras croisés …sans doute le cocher désœuvré !
           La vie parisienne, Montmartre.

 

                   La 3e salle visitée est la salle à manger. Les tableaux de cette pièce montrent des femmes statiques les yeux baissés alors que les hommes sont en mouvement. La  seconde salle est celle des plaisirs parisiens,
                 Les affiches célèbres intègrent les codes des estampes japonaises en vogue au 19e siècle. Sur certaines des taches jaunes à intervalles réguliers évoquent les lumières électriques.
              Tableau commenté par notre guide : « Au Moulin Rouge », inspiration de Renoir, sur le côté droit une femme surgit du cadre, elle est coupée, le code ici est celui de la photographie. Dans ce tableau au second plan H de TL s’est représenté debout à côté de son cousin très grand.
            Sur les affiches on reconnait les célèbres danseuses de Montmartre : 
            La rousse Jane Avril, La Goulue (goulue de boisson), la môme Fromage, May Milton, « Grille d’égout »  avait les dents du bonheur… Valentin le désossé avait une maladie qui lui permettait de rares contorsions. La femme représentée portant de longs gants est Yvette Guilbert.
Jane Avril - lithographie 1899
Le désossé, bal au Moulin rouge de Toulouse-Lautrec 1895
Le Moulin rouge de Toulouse-Lautrec entre 1892 et 1895
Toulouse Lautrec à cette époque montmartroise
Henri, un homme fantasque
         
                        Il portait à sa mère un amour fou alors que ses rapports avec son père étaient plutôt conflictuels.
                        Henri aimait se costumer, parfois en Pierrot le Clown. Il était provocateur, l’été il se baignait nu sur le bassin d’Arcachon, les bains de mer soulageaient ses douleurs.
                        Que ses amis boivent de l’eau l’indispose alors il met un poisson rouge dans leur carafe !
                        Il aime cuisiner pour ses amis, ses recettes sont originales « Bœuf à la Valromé » , »Gratin de fraises au Whisky » Parfois il s’invente Barman, il invite des personnalités et leur concocte un cocktail qu’il baptise « Tremblement de Terre », associant Absinthe et Cognac…
             
 
Nous montons ensuite au 1er étage,
            Salle d’exposition présentant de nombreuses copies de dessins dont une belle affiche. Le guide nous raconte son histoire : un jour avec son ami Maurice Guibert, ils prennent le bateau au Havre pour Bordeaux. Il aimait la mer. Sur le bateau il tombe en extase devant une passagère, il ne l’abordera jamais mais la peint sur une chaise longue, elle demeure «la dame de la cabine 54″.
              Tellement subjugué les deux amis perdent la notion de temps et ne descendent pas à Bordeaux … Ils se retrouvent à Lisbonne !
Passagère inconnue cabine 54 lithographie Toulouse-Lautrec 1896
Dessin de H. Toulouse-Lautrec, peut-être autoportrait
Baignoire sur pied et lithographies de femmes au mur

           

                   La Salle de Bains : une baignoire sur pied et un meuble à double vasque, au mur les lithographies représentent des prostituées dans leur intimité.
                  Elles étaient très mal vues à l’époque car transmettaient la syphilis. Henri a du respect et de la tendresse pour elles alors que Degas les considère avec mépris.

 

Malromé, le salon
 
 
            En juillet 1901, Toulouse-Lautrec est victime d’un AVC, sur le Bassin d’Arcachon.
            Il sait qu’il va mourir, son père arrive il lui dit :  « Je savais que vous ne manqueriez pas l’Hallali ».
           Le 9 septembre 1901  à l’âge de 36 ans il s’éteint au Château de Malromé, il sera inhumé au cimetière de Verdelais .
         Il était né à Albi par une nuit d’orage ; il meurt à Malromé par une nuit d’orage…….c’est bien romantique !
          Sa mère Adèle est enterrée à Verdelais près de son fils, elle disparait en 1930.
 
                      Nous sommes ensuite allés déguster les vins de la propriété deux blancs puis deux rouges, nous avons également pu visiter les chais.
H de TL a dit   » je boirai du lait quand les vaches brouteront du raisin « …
                 Il est l’heure pour les deux groupes de se retrouver pour un déjeuner en terrasse dans le restaurant « les Abeilles »  du Château de Malromé (qui fait également chambres d’hôtes et Spa).
Visite du chai à Malromé, les dégustateurs se pressent
Le déjeuner en extérieur, malgré un peu de fraîcheur la bonne humeur est présente
 
                 Second lieu de visite où le car nous emmène. 
               Malagar,  situé sur la commune de Saint-Maixant près de Langon en Gironde.
              Le Domaine est attesté depuis la fin du XVIe siècle, orthographié Malegarre, ou Malagarre ou encore Mallagarre, il est le fief de plusieurs maisons nobles de Saint-Macaire. On y produit à l’époque vin rouge et vin liquoreux.
            C’est le 18 septembre 1843 que Jean Mauriac arrière grand père de l’écrivain achète le Domaine de Malagar pour ses vignobles.
           Il réside à Langon où il gère une maison de commerce de bois merrain (lattes rectangulaires issues du fendage du bois) utilisé pour la fabrication des barriques.
Depuis la terrasse du domaine vue sur les vignes, la vallée de la Garonne, Langon et Saint-Macaire
F. Mauriac a fait planter cent trente cyprès ponctués de pins parasols, rappel de la Toscane
 
                           « Regarder l’éternité sans trop cligner des yeux »  Les maisons fugitives de F. Mauriac
                          De la beauté des paysages de Malagar sont nées les pages de « La chair et le sang »,  » Destins », « Le nœud de vipères », « Les Mémoires intérieurs »….. 
 
 
                      Jean Paul Mauriac le père de François meurt à 37 ans, le futur écrivain n’a que 2 ans.
                   François est né à Bordeaux en 1885, sa mère Claire va s’occuper de leurs 5 enfants avec l’aide de sa propre mère et du père de son mari.
                  En 1903, François a 17 ans, il vient de rater son bac philo et la canicule sévit. Sa mère l’envoie passer ses premières vacances d’été à Malagar et c’est le coup de foudre ! il viendra y passer toutes ses vacances de Pâques et d’été, il voyageait peu ailleurs.
                 Il épouse Jeanne Lafon en 1913, ils auront quatre enfants : Claude écrivain et journaliste né en 1914, Claire née en 1917, Jean, journaliste et écrivain né en 1924 et Luce, femme de lettres née en 1919.
Maison des Mauriac, côté champ
Le chai ancien à côté récent, le chai rouge
Les rosiers agrémentant des chais
     
…  Les bâtiments eux-mêmes ont un charme fou, le grand auvent aux poutres anciennes, les rosiers en fleurs … Un enchantement ! s’exclame Martine….
Plantation de charmes rigoureusement taillés pour ouvrir la perspective
A l'entrée, tilleul, arbre remarquable planté en 1847
 
                   Nous commençons la visite par la cuisine et sa « souillarde » ou arrière-cuisine en Gironde.
                 Au sol des carreaux de Gironde en terre cuite, un beau potager aux  carrelages bleus sert à réchauffer les plats. Dans la cheminée, la guide nous fait deviner l’usage d’un ustensile : un grilloir à café l’odeur devait embaumer la pièce.
              On retrouve des descriptions de cuisine et souillarde dans le roman « le Sagouin » datant de 1950. Dans la souillarde une grande pierre d’évier, un garde-manger grillagé suspendu pour éviter les souris, de nombreux pots de terre ou de grès ornent les étagères.
           Nous poursuivons la visite par la salle à manger « d’or et de miel « , ses murs sont jaune d’or les portes de placard peintes en trompe l’œil.
 
La cuisine avec le potager (image internet)
Salle à manger (image internet)
 
            
                 De beaux portraits de famille ornent le vestibule et le Salon, devant celui de sa fille Claire nous apprenons que le roman de Régine Desforges « La Bicyclette bleue » a été écrit à Malagar, son mari le dessinateur Wiaz (né en 1949) étant le petit fils de François Mauriac, fils de Claire, épouse Wiazemsky.
Partie de la bibliothèque (Photo internet)
Coté fenêtre, bibliothèque et bureau

 

                         Depuis le Salon nous descendons quelques marches pour accéder au bureau, pièce que Mauriac avait fait ajouter pour ne plus monopoliser le salon quand il travaillait
                       Avec l’aide de sa femmes Jeanne, sa principale collaboratrice ils relisent ce qu’il écrit, elle tape sur la machine qui est exposée, (ici au jardin), la pièce est agréable beaucoup de livres sur les étagères qui entourent la fenêtre. Sur la cheminée une photo de Paul Valery, ce dernier l’avait accueilli à l’Académie Française quand il fut élu en 1926 au fauteuil 22.
Une vraie collaboration Mauriac et Jeanne, son épouse - Revue Partance -
                     Nous revenons sur nos pas et montons au 1er étage. A droite trois chambres de bonnes,  le personnel comprenait Maurice le chauffeur, Madeleine la cuisinière et Catherine une alsacienne très liée à la famille, elle s’occupe de l’intendance et des enfants. Au lendemain de la 1ere guerre mondiale elle prend sa retraite en Alsace.

 

                    Quelques marches encore et nous arrivons dans le couloir face au Nord sur lequel donnent toutes les chambres. La première est celle de Claire, mère de l’écrivain très pieuse alors que son père était anticlérical et républicain.
                  La guide se demande qui aurait été François Mauriac si son père avait vécu, aurait-il sous son influence été aussi croyant ?
                   Dans la chambre de Claire entre la cheminée et le lit se trouve son prie-Dieu tout juste comme dans la chambre de la grand-mère du « Sagouin » du Roman éponyme.

 

                        La chambre suivante est celle de François Mauriac et de son épouse Jeanne.  Deux grands lits de bois, une imposante cheminée de marbre, par la fenêtre on voit le tilleul de la cour, au loin  la terrasse et l’allée de charmes taillés qui y mène.
                       Par un escalier assez raide on accède depuis la chambre à une salle de bain aux sanitaires typiques des années 1950. Cette chambre est décrite dans « Le nœud de vipères » notre guide nous lit l’extrait correspondant.
Chambre de François et Jeanne Mauriac (image internet)
       
                Au fond du couloir, une chambre est attribuée à l’occupant allemand pendant la 2nd guerre mondiale par Mauriac, choisie puisque située au nord et dont le chauffage fonctionnait mal.
La ligne de démarcation était  à quelques kilomètres de Malagar, où la famille Mauriac a résidé pendant la guerre, pour sa sécurité. 
                Cet épisode de la vie à Malagar est relaté dans « Le cahier noir » (1943), une œuvre de résistance. 
                 Dans le chai du rouge un petit musée Mauriac a été installé, les vitrines sont pleines de souvenirs, articles de presse, photos, objets, une courte vidéo nous aide à mieux connaître le personnage, écrivain, journaliste, académicien, Prix Nobel de littérature 1952.
 
               Le chai du blanc fait face au chai du rouge de l’autre coté de la cour du tilleul (dont le fort parfum nous surprend), il est utilisé pour séminaires, conférences, spectacles.
               Le Centre François Mauriac de Malagar est classé Monument historique depuis 1996, notre guide espère que cette visite donnera envie de lire ou relire les romans de François Mauriac, c’est mon cas (Martine V.)
Le "musée" établit dans l'ancien chai du rouge
                François Mauriac est décédé à Paris le 1e septembre 1970, il est inhumé au cimetière de Vémars dans le Val d’Oise.
               Le domaine a fait l’objet d’une donation par les quatre enfants de François et Jeanne Mauriac au Conseil Régional d’Aquitaine en 1985. Le Domaine est géré depuis l’année suivante par une Association qui a pour mission sa conservation et son animation.
           
               
                  Une belle et complète restitution des visites grâce à Martine qui a apprécié les lieux et leurs présentations originales par les guides.
                  Une journée très réussie grâce au couple formé par Betty et Luc, sens de l’organisation et sourires assurés ! .
                Merci à ceux qui ont contribué par leurs photos et commentaires : en premier lieu, Pascal C., puis Michel et Catherine, Daniel P. et Martine (prise de notes et prise de vues !).  Annie R.